L'opposition à Hosni Moubarak ne désarme pas en Egypte
Le président Hosni Moubarak a remanié lundi son gouvernement pour tenter, sans succès, d'apaiser la colère de la rue égyptienne qui réclame son départ.Lire la suite l'article
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Au septième jour d'une contestation sans précédent dans le pays le plus peuplé du monde arabe avec ses 85 millions d'habitants, des dizaines de milliers de manifestants se sont à nouveau rassemblés sur la place Tahrir, dans le centre du Caire, en scandant "Moubarak dehors" ou en chantant l'hymne national.
Un appel à la grève générale a été lancé ce lundi et les opposants à Moubarak ont annoncé une "marche d'un million" de personnes mardi pour pousser vers la sortie le chef de l'Etat au pouvoir depuis près de trente ans.
Les militaires positionnés dans la capitale ont regardé la foule rejoindre lundi matin ceux qui avaient campé durant toute la nuit sur la place en appelant l'armée à choisir "entre l'Egypte ou Moubarak". Trois heures après l'instauration du couvre-feu en milieu d'après-midi, les soldats n'avaient pas esquissé le moindre geste pour disperser les protestataires, même si des hélicoptères survolaient la ville.
"Ce que nous voulons est clair: nous voulons que Moubarak et sa clique s'en aillent. Nous n'accepterons rien d'autre", lançait un manifestant, Omar el Demerdach, chercheur de 24 ans.
Le soulèvement, sans précédent en Egypte par son ampleur et son intensité, a éclaté mardi dernier pour protester contre la répression, la corruption et la pauvreté. Environ 140 personnes sont mortes dans les affrontements avec les forces de sécurité.
Hosni Moubarak a tenté plusieurs fois de désamorcer la crise en annonçant des réformes économiques et en remaniant sa garde rapprochée, sans convaincre. Les Etats-Unis, dont l'Egypte est le principal allié dans le monde arabe, ont accentué la pression en appelant dimanche à une "transition en bon ordre".
L'OPPOSITION S'ORGANISE
La puissante armée égyptienne semble désormais détenir les clés des événements à venir, et du sort de Moubarak.
Le nouveau cabinet comprend trois anciens officiers supérieurs, dont le Premier ministre et ancien commandant de l'armée de l'air Ahmed Chafik, nommé samedi en même temps que le chef des renseignements Omar Souleïmane était désigné au poste de vice-président, vacant depuis 1981.
Les autorités ont annoncé en outre lundi la promotion du ministre de la Défense, Mohamed Hussein Tantaoui, au poste de vice-Premier ministre.
Le ministre de l'Intérieur Habid el Adli, détesté par de nombreux Egyptiens en raison de la répression exercée par la police contre l'opposition au chef de l'Etat, a été remplacé par le général Mahmoud Wagdi, ancien chef des services de police judiciaire du Caire et de l'administration pénitentiaire.
Zaineb el Assam, expert du Proche-Orient au sein du cabinet londonien Exclusive Analysis, estime que ce remaniement est trop limité et arrive trop tard. "Je pense que Moubarak sera parti bien avant 30 jours", dit-il. "Certaines personnalités de ce gouvernement sont profondément impopulaires. Le général Wagdi par exemple. Cela va encore renforcer les manifestations. L'armée va considérer Moubarak comme un boulet."
Bien que le mouvement anti-Moubarak ait débuté sans dirigeant clair ni formation structurée, l'opposition s'efforce maintenant de s'organiser.
Les Frères musulmans, mouvement islamiste très soutenu par les catégories pauvres de la population, ont annoncé lundi qu'ils s'employaient à former un large comité politique avec Mohamed ElBaradeï, afin de nouer un dialogue avec l'armée.
L'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), rentré la semaine dernière d'Autriche, a appelé au départ de Moubarak et s'est proposé de diriger la transition, même si certains Egyptiens restent réservés à son propos, en raison notamment de ses longues absences à l'étranger.
"TRANSITION ORDONNÉE"
Les dirigeants occidentaux s'emploient à trouver une réponse adaptée à cette crise qui menace de bouleverser la donne au Proche-Orient. Sans appeler directement au départ de Moubarak, ils prônent le respect des libertés fondamentales tout en craignant l'arrivée au pouvoir d'extrémistes.
L'appel à une "transition ordonnée" lancé dimanche par l'administration Obama a été relayé lundi par l'Union européenne. "Nous ne voulons certainement pas voir l'Egypte tomber aux mains d'extrémistes", a déclaré le secrétaire au Foreign Office William Hague. "C'est pourquoi nous voulons une transition ordonnée vers des élections libres et équitables."
Le message américain a été perçu en Israël comme un lâchage en règle d'un allié de trente ans. L'Etat juif craint les répercussions de la crise sur ses relations avec l'un des seuls Etats arabes à avoir fait la paix avec Israël.
Le soulèvement en Egypte s'est inspiré de la révolution tunisienne qui a conduit à la fuite du président Zine ben Ali le 14 janvier. Pour le consultant Zaineb el Assam, Yémen, Soudan, Jordanie et Syrie semblent exposés à la "contagion".
Le président syrien Bachar al Assad a exclu ce scénario estimant que le parti Baas, qui contrôle le pays depuis un demi-siècle, est "très étroitement en phase avec les sentiments du peuple".
Plusieurs gouvernements ont commencé à organiser le départ d'Egypte de leurs ressortissants en raison de l'incertitude de la situation.
Sur le plan économique, la Bourse égyptienne et les banques sont restées fermées pour la deuxième journée. L'agence Moody's a abaissé la note de la dette souveraine de l'Egypte.
Les marchés internationaux observent la situation avec attention, et les titres des entreprises les plus exposées à cette région reculent, alors que le baril de Brent a frôlé vendredi les 100 dollars.
Rédaction du Caire, Jean-Stéphane Brosse pour le service français
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